Tirons nos propres cartes!
Un des grands mystères de la ville est celui des logements inoccupés. Voilà des décennies que des fourchettes invérifiables sont évoquées : la Wallonie compterait entre 15 et 30.000 logements vides ; Bruxelles aurait pas moins de 35.000 appartements inoccupés et si l’on rassemblait cette vacance immobilière sur un territoire, cela formerait une 20e commune dans la Région de Bruxelles-Capitale. Comme l’inventaire établi par les communes reste chose rare et que chacune y va de ses propres méthodes de recensement, allez donc savoir. Il y a quelques années, un groupe des Équipes populaires basé à Anderlecht a inventorié les logements vides de leur commune. Ce fut ma première expérience d’une cartographie militante, qui a lancé ce groupe dans une quête à la fois passionnante et minutieuse, pleine de questionnements et de rencontres. Des questionnements d’abord : quels sont les indicateurs pertinents à mobiliser pour s’assurer qu’un logement est réellement vide ? Comment vérifier s’il est privé ou public ? Est-il inoccupé temporairement, entre deux locations, ou laissé sciemment à l’abandon ? Même laissé à l’abandon, qui dit qu’il n’est pas occupé par des personnes qui n’ont trouvé nulle part ailleurs où se loger et qu’il serait bien inopportun de fragiliser ? Des rencontres ensuite : avec des voisin·es, des squatteur·es, des échevin·es et des administrations, des associations et des militant·es. Des découvertes aussi : c’est le propre d’une cartographie que de susciter l’émergence de toutes sortes de savoirs humains laissés jusqu’alors plus ou moins ignorés, invisibles, comme celui des multiples usages que les habitant·es d’un quartier peuvent faire d’un espace public ou d’un logement abandonné. Tels ces deux adolescents pas franchement heureux de voir notre groupe de cartographes s’intéresser d’un peu trop près à une bâtisse croulante qui leur servait de merveilleux et secret terrain d’exploration, d’escalade et de cachettes. Allait-on les en priver ?
Quelle culture collective à l’ère de l’économie de plateformes ?
Ils sont une vingtaine, regroupés à la porte de Namur, dans le haut de la chaussée d’Ixelles à Bruxelles. Un pied sur la pédale de leur vélo, ils attendent, les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone. Certains, qui semblent se connaitre, échangent quelques mots. Mais ils n’entament pas de conversation, ce serait trop risqué : dans une seconde, peut-être, une alerte sur le téléphone indiquera une commande et il n’y aura que quelques secondes pour signifier qu’on la prend. Alors, pas question de se laisser distraire. D’ailleurs, l’autre qui attend aussi n’est pas tant un collègue qu’un concurrent. Pour tous ces jeunes hommes, dans le froid de ce samedi soir de décembre, le temps d’attente incertain sur ce bout de trottoir est entièrement capté par la mission professionnelle. Ce temps ne sera pourtant pas rétribué. Le salaire est à la tâche. D’ailleurs ce n’est pas un salaire : ces travailleurs sont déclarés indépendants. Ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont qu’un travail. Ils n’ont pas d’employeur physique, mais s’inscrivent sur une bourse du travail digitale et les instructions à suivre sont envoyées, pas à pas, via une plateforme. En cas de problème, il faut passer par un chatbot (un assistant numérique). Le vélo et le smartphone sont leurs outils de travail principaux. Mais ils les ont achetés eux-mêmes. « Ils », vous l’aurez compris, ce sont les livreurs. Pour Deliveroo, Takeaway ou Uber… Une fois leur mission attribuée, ils croiseront un restaurateur, un client, en chair et en os. Mais vite ! Puisqu’ils sont évalués sur leur rapidité d’exécution et payés à la tâche. Et le paiement à la tâche, le capitalisme l’a toujours bien compris c’est « le moyen d’assurer l’obéissance du travailleur à la machine ». Martin Willems, responsable national de United Freelancers (UF) à la CSC, l’a rappelé dans une journée d’étude de la FTU et du CIEP consacrée à la numérisation de la société. UF est le syndicat pour les Freelancers, travailleurs de plateformes ou indépendants sans personnel.
Pour un MOC post-capitaliste avant-gardiste et internationaliste
Ce samedi 9 septembre 2023 10h00, plus un siège n’est libre dans l’auditoire du CEME de Charleroi : le MOC tient un Congrès stratégique. Douze ans plus tôt, des options fondamentales ont été adoptées dont la lutte pour l’égalité avec la triple grille de dominations raciste, patriarcale et capitaliste comme outil d’analyse des inégalités. Cette fois, il s’agit de choisir avec quelles stratégies mettre en œuvre ces options dans un contexte qui a profondément changé : en particulier, la révolution numérique et l’urgence écologique se sont imposées. Les classes populaires en subissent les effets combinés aux inégalités déjà existantes.
Un Congrès, c’est avant tout un processus démocratique qui aboutit à des orientations votées par la plus haute autorité du Mouvement, qui rassemble les mandataires de toutes les composantes du MOC : les organisations et les fédérations. Ce processus a commencé deux ans plus tôt par une phase participative, avec à l’esprit deux questions clés : « vers où ? » et « à partir d’où ? » construire nos chemins d’actions. Quelque 230 groupes y ont pris part. Un premier texte a été rédigé, qui a été débattu dans les composantes. Une seconde version en est sortie, puis ce fut la phase d’amendements. Ce sont ces amendements puis une version globale du texte qui ont été votés ce samedi. Que dit ce texte en substance ?