110EsperÉconomie sociale dans une économie capitaliste : quels renouveau, contribution et participation ?

Instruire le réel pour désamorcer les clivages

A l’heure d’écrire ces lignes, nous venons de vivre une seconde manifestation dominicale de protestation contre les mesures sanitaires, avec un éventail de messages et d’opinions large, voire très large : Haro sur le gouvernement menteur, Refus de la dictature sanitaire, Peur des effets post-vaccinaux… On croise aussi ici un drapeau flamingant, là un T-shirt « Nation », ou encore une pancarte « Stop génocide gaulois ». En tête du cortège, des délégations de pompiers et de soignant.e.s s’insurgent surtout contre l’obligation vaccinale. Quelques mois plus tôt, lorsqu’il était question d’instaurer un pass sanitaire, j’ai pensé que, plutôt que de nous infliger une manœuvre insidieuse pour pousser à la vaccination, mieux vaudrait que les gouvernements imposent l’obligation vaccinale. Pourquoi ne pas dire aux gens : « On a d’abord privilégié l’approche volontaire, mais les résultats sont insatisfaisants, un nouveau variant bouscule nos plans, on change de stratégie ». Cela me paraissait moins manipulateur, mais ce n’est pas si simple. Tout d’abord, pour qu’un vaccin puisse être imposé, « il faut que son innocuité soit nulle » et ce n’est pas le cas ici, dixit Yves Coppieters, qui ne passe pas spécialement pour un huluberlu. Ensuite, cela pose un problème constitutionnel. Or, la Constitution est supposée protéger notamment les libertés fondamentales. Et puis, s’il faut contrôler le respect de cette obligation, les outils de contrôle et de sanction pourraient s’avérer aussi critiquables que le CST, dont le Tribunal de Première instance de Namur a jugé récemment que la manière dont la Région wallonne y recourt est disproportionnée en termes de risques de discrimination. En tant qu’acteur.rice.s de l’Éducation permanente, de l’Insertion socio-professionnelle et du secteur socio-culturel, nous nous en inquiétons chaque jour. La gestion de la pandémie menace d’accoucher de clivages et d’exclusions encore plus graves. Peut-on admettre de priver de toute vie sociale, voire de son emploi, une personne qui, bien ou mal informée, refuse le vaccin contre la covid ?

Esperluette 110 - Octobre/Novembre/Décembre 2021

109EsperRaciste malgré moi! Ensemble, déconstruisons le racisme structurel

Solidarité et communauté de destin

L’été 2021 laissera des traces dans la mémoire collective. C’est peu dire qu’il a été éprouvant ! Juste au moment où l’on rêvait de souffler, de profiter de l’allègement des mesures de confinement, de se projeter dans la vie « d’avant la pandémie », les eaux se sont déversées avec une brutalité inédite, entrainant tout sur leur passage, dans plusieurs provinces du pays. Des centaines d’habitations et tout ce qu’elles contenaient détruites. Des morts. Des entités dévastées et des vies ruinées.  En majorité, des vies qui étaient déjà fragilisées, des habitations qui étaient déjà vétustes, mal situées.

Au même moment, le pourtour du bassin méditerranéen s’est trouvé aux prises avec des incendies gigantesques, des feux dévorant tout sur leur passage et là aussi, des morts, des vies et des environnements ruinés, des services collectifs souvent pris au dépourvu, insuffisamment équipés, harassés. Peu après, Haïti subissait une nouvelle fois un séisme ravageur suivi d’un ouragan.

Et pendant ce temps, l’autre nouvelle de juillet, c’était le voyage dans l’espace de milliardaires apparemment convaincus d’avoir anticipé la solution à tous nos problèmes. Puisque la terre prend de plus en plus l’allure d’un dépotoir explosif irrespirable, il n’y a qu’à coloniser une autre planète. Ces sauveurs du monde se voient déjà les heureux actionnaires de gigantesques cités bâties à l’ombre de souterrains oxygénés, sans doute avec un faux ciel et des arbres artificiels abritant une faune mécatronique pour égayer les rêves d’une humanité « augmentée ». Bien sûr, cette perspective ne concerne que peu de monde en réalité, disons que ce sera pour ce petit monde qui appartient à ce qu’on appelait autrefois le « beau monde ». Et pour être honnête, quand j’ai appris cette nouvelle, je me suis dit « Bon vent ! Mais payez vos dettes avant ». Seulement voilà, si ces milliardaires payaient ce qu’ils doivent en impôts, on peut parier que leur fusée ne serait pas encore construite et qu’ils seraient forcés de regarder en face ce qui nous arrive au lieu de pratiquer la fuite en avant dans le cosmos.

Esperluette 109 - Juillet/Août/Septembre 2021

Esper108Logement, lieu de toutes les discriminations !

Les nouvelles mesures de déconfinement du Gouvernement permettent enfin d’ouvrir les restaurants et terrasses, les lieux de la culture, mais aussi de sortir de nos “bulles”, de voyager plus facilement à travers le monde, en faisant fi des frontières (réelles ou imposées) et d’aller à la rencontre des autres et de leurs réalités de vie. Alors que la plupart des Belges s’apprêtent à profiter de vacances méritées, ici ou ailleurs, certain.e.s sont sur le qui-vive pour accueillir des voyageur.euse.s spéciaux.ales : les Zapatistes et leurs allié.e.s du Conseil national indigène pour leur « Viaje por la vida » (Voyage pour la Vie).

Arrivé.e.s sur la scène médiatique en 1994, les indien.ne.s du Chiapas (Mexique) ont depuis lors montré leur infatigable énergie pour construire l’autonomie et créer un monde où d’autres mondes peuvent coexister, faisant de la lutte contre le capitalisme et le néolibéralisme la pointe de leur combat. En octobre dernier, les communautés autonomes du Chiapas avaient décidé que « différentes délégations zapatistes, hommes, femmes et autres de la couleur de notre terre » allaient parcourir les cinq continents et participer à « des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre ceux-celles d’entre nous qui sont engagé.e.s, de conceptions différentes et dans différents domaines, dans la lutte pour la vie ».  

Après cinq siècles de colonisation du Mexique, serait-ce une conquête inversée, amenée avec l’humour qui caractérise les Zapatistes depuis tant d’années ? C’est surtout une occasion de montrer que ces communautés ne sont pas conquises mais qu’au contraire elles débordent de créativité et surtout du désir d’aller vers les autres, y compris celles et ceux qui ne sont pas comme elles.eux. Même si pour cela il faut braver l’océan, le COVID, les frontières. Il.elle.s seraient même prêt.e.s à attendre au large des côtes européennes le temps qu’il faudra pour qu’on les laisse entrer, proposant de déployer une banderole géante où serait écrit « Réveillez-vous ».

Esperluette 108 Avril/Mai/Juin 2021

 

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